JEUDI SAINT

14 avril 2022

 

    Dans le récit du lavement des pieds, Jésus s’adresse à Pierre qui ne voit pas où il veut en venir : « Plus tard tu comprendras. » Et un peu plus loin, à ceux qu’il a réuni pour le repas de la Pâque : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? » Et Jésus d’ajouter : « Vous m’appelez « Maître » et « Seigneur », et vous avez raison car vraiment je le suis. »

 

    Maître et Seigneur, non pas supérieur hiérarchique et grand prince, mais enseignant, humble, cohérent et donc fiable. Oui, Jésus veut faire comprendre à ses amis, en un seul geste, non seulement tout ce qu’il est profondément mais aussi résumer toute sa vie. « Comprenez-vous ? » Autrement dit, Jésus confie son Testament à ceux qui déploieront sa mission au fil de l’histoire.

 

    Dans l’ouverture de ce récit, saint Jean ramasse en quelques mots, le Testament de Jésus : « Sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'au bout. » Tout est dit ! Jésus aime jusqu'à l’extrême ! Pas extrémiste ! Jésus aime jusqu'à l’extrême de lui-même, de l’autre, de tous les autres. Même de cet homme-là qu’est Judas, à qui il vient de laver les pieds, qu’il vient de purifier et qui va, comme dit le psaume 40 : « lever le talon contre moi ! » Jésus qui aime jusqu'à l’extrême ceux qui agissent dans la lumière comme ceux qui manigancent dans les ténèbres. Il le dira en offrant la coupe : « le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. » Comprenez-vous ?

 

    Jésus ne s’arrête pas là. « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »

 

    « Faites cela ! » et lorsque saint Paul rapporte les paroles du récit de l’institution de l’Eucharistie, nous entendons Jésus déclarer : « Faites cela en mémoire de moi. »

 

    En définitive, c’est en faisant que l’on comprend Jésus.

 

    Deux gestes : celui du repas et celui du lavement des pieds. Faites cela pour célébrer le Testament de Jésus ! Inséparablement, parce qu’ils le sont dans la vie de Jésus. Son Testament est un ! Inséparablement, parce que ces deux gestes nous relient à Jésus et aux autres. L’eucharistie n’est pas un acte qui nous sauve magiquement. Et le service fraternel dont le lavement des pieds est l’expression, n’est pas une bonne action pour avoir la conscience tranquille. Ces deux gestes mènent toujours l’un vers l’autre, parce qu’ils nous font communier au même amour. « Comprenez-vous ? » nous répète Jésus. Il est assez effrayant de constater que certains catholiques, très en défense sur la sécurité et l’immigration clandestine oublient la lutte contre la précarité, l’accompagnement des laissés pour compte et la sauvegarde de l’environnement. L’eucharistie n’est complète que si elle ouvre sur le monde, sans tri sélectif. Le sacrement de l’Eucharistie ne peut se vivre au détriment du sacrement du frère.

 

    C’est en les faisant inlassablement tous les jours que nous les comprenons de l’intérieur et les accomplissons avec justesse. Certains pensent : la messe, c’est trop compliqué ou c’est toujours la même chose, donc je lâche ! D'autres pensent : aimer les autres, ceux avec lesquels je vis et dont je connais bien les défauts, aimer dans les circonstances actuelles, c’est trop compliqué et c’est toujours la même chose, donc je lâche ! Comme il est difficile de tout faire par amour : célébrer et servir ! Et pourtant, c’est en répétant les gestes comme les paroles, et en cherchant à les habiter de l’Esprit d’amour du Christ, que notre cœur et notre intelligence, lents à comprendre, s’éveillent et s’émerveillent.

 

    « Faites cela ! » Le contexte dans lequel Jésus accomplit ces deux gestes n’avait rien d’enviable. Au dehors on tramait sa mort et au cénacle, il y avait Judas le traître, Pierre qui reniera et les autres qui s’enfuiront ! « Faites cela ! » pour tenir dans les tempêtes de l’existence, du monde et de l’Église, pour apaiser les tempêtes qui nous bousculent ! Jésus célèbre ces deux gestes de l’Eucharistie et du lavement des pieds avant de les accomplir dans sa chair sur la Croix. C’est parce que nous sommes faibles que Jésus nous laisse ces deux gestes. Il nous les donne pour qu’en les assimilant, jour après jour, nous vivions de sa vie. « Comprenez-vous ? »

 

Père Bertrand ROY

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