VINGT QUATRIÈME DIMANCHE ORDINAIRE A

17 septembre 2023

 

    Le pardon n’est pas à la mode dans nos sociétés, même dans nos familles et beaucoup de nos contacts. Le pardon est considéré comme une faiblesse, un oubli, une excuse, surtout lorsque le mal commis est cruel. Autrement dit, pardonner serait donner raison et libre cour à ceux et celles, petits et grands, qui blessent et détruisent.

 

    Pardonner les petits écarts du quotidien, lorsque ceux-ci ne remettent pas profondément en cause les relations, passe encore et on y arrive ! Mais pardonner à l’infini, est-ce juste et possible ?

 

    Le chapitre 18 de saint Matthieu, que nous lisons tous ces dimanches, traite de la vie communautaire et fraternelle dans l’Église. Jésus a réuni autour de lui des disciples. Ceux-ci ont souvent du mal à se supporter, à s’accueillir différents, à avancer ensemble. Il en sera de même dans la première communauté chrétienne. Jésus sait combien la vie ensemble est souvent difficile, combien les incompréhensions liés à une écoute approximative créent des oppositions, mais aussi combien les dérapages peuvent casser des personnes. Il nous demande, lorsqu'une brebis s’égare, de ne pas en prendre notre parti, mais d’être inventif et bienveillant pour lui redonner une place, sans minimiser la faute. Cette logique de communion est le fondement de la vie de notre Église et risque d’entraîner très loin. L’apôtre Pierre a flairé la difficulté : « Combien de fois dois-je lui pardonner ? » C’est de celui ou celle qui a récidivé à mon égard dont il est question. « Jusqu'à sept fois ? » demande-t-il ? Sept était un chiffre parfait, selon les commandements. Sept, c’était déjà très bien. Mais la réponse de Jésus, 70 fois sept fois, veut nous faire sortir de la comptabilité, de cette réaction spontanée que nous avons souvent : « J’en ai fait assez… il ou elle abuse ! » Jésus ouvre un horizon sans limite, qui nous dépasse autant qu’il nous effraie.

 

    La parabole que Jésus raconte est étrange. Un homme devait à son roi une somme inimaginable : dix mille talents. Ce roi projetait de le vendre avec sa famille pour être remboursé de ce qu’il lui devait. Sur une simple demande de sa part, « Prends patience envers moi et je te rembourserai tout », le roi, saisi de compassion, annule la dette. Cet homme gracié est en contact avec « un de ses compagnons » qui lui doit une toute petite somme d’argent. Sous peine de le violenter, il lui réclame cet argent. Son compagnon lui adresse la même prière que celle qu’il avait adressé au roi : « Prends patience envers moi et je te rembourserai ». Oubliant ce dont il avait bénéficié pour un dommage incommensurable, il le fait jeter en prison. Comment avoir le cœur aussi dur alors qu’on vient de bénéficier d’une générosité inouïe ? Cet homme bloque le courant de la miséricorde. La conclusion de la parabole est redoutable : « C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son cœur ». Autrement dit, la méchanceté de cet homme se retourne contre lui. Il ne peut pas lui-même goûter au pardon puisqu'il ne l’a pas laissé s’incarner en lui.

 

    Cette parabole nous parle d’abord du pardon de Dieu, de ce que nous appelons aussi la miséricorde. Ce pardon et cette miséricorde nous enveloppent en permanence parce que c’est la nature même de Dieu. C’est pourquoi l’invitation à pardonner se fonde sur le pardon dont nous sommes gratifiés. Pardonner et être pardonnés sont un même mouvement. Établir des mesures, c’est se priver de la démesure de Dieu. Ce pardon de Dieu n’ignore jamais les ravages que des hommes font à d’autres hommes. Il veut nous aider à ne pas nous résigner devant les fractures, les divisions, les oppositions et à désirer une réconciliation. Dans l’évangile, le pardon ne va jamais sans les mots de vérité et de justice, sans réparation et guérison. Accepter un Dieu de pardon et de miséricorde, c’est sortir des images d’un Dieu gendarme, un Dieu qui récompenserait ou punirait comme d’un Dieu qui nierait le mal. Pardonner est un travail parfois très lent qui touche autant ce qui est personnel que collectif. C’est un acte de recréation, parfois coûteux, éreintant, et qui peut même décourager. L’Évangile ne fait pas l’impasse sur toutes ces difficultés. Désirer le pardon, la réconciliation, la paix, même si notre imagination et nos forces pour les mettre en œuvre sont trop faibles, c’est rester ouverts à un avenir meilleur. Prier pour que des situations se débloquent, c’est prendre appui sur Dieu pour avancer. Souvenons-nous : lorsque Jésus était en croix, épuisé moralement et physiquement, il a lancé cette prière, comme si lui-même était dans l’incapacité de pardonner : « Père, pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Jésus ne s’est pas dédouané de pardonner. Il s’en est remis à plus grand que lui. Souvenons-nous aussi d’Antoine Lehris, ce journaliste dont la femme a été assassinée au Bataclan qui a écrit quelques heures après, en s’adressant aux agresseurs : « Vous n’aurez pas ma haine ».

 

    Demandons au Christ de comprendre cette dynamique de l’amour qui va jusqu'au pardon. Recevons-la dans l’Eucharistie qui nous plonge dans la miséricorde infinie de Dieu. Laissons-la agir en toute relation pour en éprouver la joie.

 

Bertrand ROY+

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