QUINZIÈME DIMANCHE ORDINAIRE C

10 juillet 2022

 

    Après l’avoir donné à un docteur de la Loi, c’est-à-dire à un fin connaisseur des commandements, Jésus nous adresse aujourd'hui la parabole dite du bon Samaritain. Cette parabole, comme toutes les autres, est une histoire inventée mais tellement inspirée par le quotidien. Jésus a dû en voir des hommes religieux, comme le prêtre et le lévite, qui passaient à côté de la détresse des autres par peur de se salir. Mais il a vu aussi des hommes et des femmes dont on espérait rien, à la réputation douteuse, se mettre en quatre pour sauver ceux qui étaient perdus.

 

    Nous le savons : les samaritains étaient ennemis jurés des juifs. Une vieille rancune bien entretenue. Quand Jésus osera dialoguer avec la femme de Samarie, certains penseront qu’il est passé chez l’adversaire. Pour insulter Jésus, certains le traiteront de samaritain ! Autant dire que l’exemple que Jésus présente au docteur de la Loi, en valorisant la bonté spontanée et sans borne du Samaritain, risque de perturber ce dernier.

 

    « Heureux les miséricordieux, ils obtiendront miséricorde » a proclamé Jésus sur la montagne en parcourant du regard la foule qui était venue l’écouter. Cette béatitude convient bien au Samaritain de la parabole. La miséricorde, commence par voir, ne pas détourner son regard de ce qui peut rebuter, élargir son regard au-delà de soi-même. La miséricorde, c’est alors être pris aux entrailles devant la misère des autres. C’est avoir un cœur qui vibre à la souffrance des autres, à leur descente aux enfers et réagir. Qui sait si le Samaritain, en plus d’être méprisé, n’a pas été écorché par toutes sortes d’épreuves ? Dans l’énoncé des Béatitudes, celle de la miséricorde vient après celle des larmes, celle de la faim et de la soif de justice. Il faut avoir connu les larmes pour soulager celles des autres. Il faut avoir subi l’injustice pour comprendre les opprimés. De ses blessures, le Samaritain a tiré la force et la douceur d’aimer. Peut-être s’est-il dit également : je pourrais être à la place de cet homme dépouillé de tous ses biens, martyrisé de violence, abandonné, à demi mort, au bord des autoroutes des convenances et du chacun pour soi !

 

    Il y a quelque chose de surprenant dans le détail de cette route réputée être un coupe gorge. L’homme torturé mais aussi le prêtre et le lévite viennent de Jérusalem et rentrent chez eux. Ils sont dans la même direction. Ce qui veut dire que le prêtre comme le lévite ont accompli leur service au Temple et sont donc disponibles pour venir en aide au blessé. Ils n’ont donc aucun motif pour ne pas s’arrêter. Sauf la peur de l’autre, la peur de celui qui souffre et va mal. Ils n’arrivent pas à dépasser ce sentiment, cette résistance intérieure qui peut être spontanément légitime. Le Bienheureux Père Lataste, dominicain de la deuxième moitié du 19ème siècle, a été amené à prêcher des retraites, comme c’était la coutume, dans des prisons de femmes près de Bordeaux. Dès sa jeunesse, cet homme avait connu des incompréhensions douloureuses et des drames qui l’avaient rendu sensibles à la souffrance des autres. En s’adressant pour la première fois, tout tremblant, à ces femmes, il ose leur dire : « Mes sœurs ! » et de se reprendre : « Mes chères sœurs » et d’ajouter : « On peut bien se dire nos vérités, nous sommes en famille ». Pour en arriver à se mettre sur un pied d’égalité avec ces femmes, pour beaucoup criminelles, il ne leur cachera pas avoir eu d’abord de la répugnance en les voyant avec l’envie de fuir, puis leur ayant avoué qu’il aurait pu être à leur place. Il y a beaucoup d’échos entre le Samaritain et l’œuvre accomplie par le Bienheureux Père Lataste, appelé communément « le prêcheur de la miséricorde ».

 

    Que fait le Samaritain après avoir donné les premiers soins d’urgence au malheureux? Il le conduit à l’auberge. Dans cette auberge, il passe la nuit, peut-être à veiller à son chevet. Et il confie à l’aubergiste de prendre son relais pour la remise en état de l’homme éprouvé. L’auberge ? Ne serait-ce pas l’Église, ce qu’elle est ou devrait être ? Un lieu pour prendre soin les uns des autres par une vigilance, un accueil, un accompagnement des personnes blessées ou méprisées, des personnes en quête d’une réponse à leur inquiétude de vivre ou de croire, mais aussi des personnes étrangères, voire étranges, et même des gens lourds à supporter ? Pas uniquement ces personnes, mais elles aussi. Et inventer, dans le respect réciproque et la miséricorde, les chemins d’un bonheur nouveau !

 

    Dans la première lecture, au livre du Deutéronome, Moïse dit au peuple : « Écoute la voix du Seigneur… Cette loi que je te prescris aujourd'hui n’est pas au dessus de tes forces ni hors de ton atteinte… Elle est tout près de toi cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique ». Dieu dépose mystérieusement, en notre être profond, l’appel à aimer avec la force et le courage d’aimer. Dieu nous parle par la détresse des autres, par leurs manques autant que leurs chutes. La vie éternelle, maintenant, c’est tantôt de porter les autres, tantôt d’être portés par eux, souvent les deux à la fois : « Heureux les miséricordieux, ils obtiendront miséricorde ». « Tu aimeras… fais ainsi et tu vivras ».

 

Père Bertrand ROY

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