Troisième dimanche de CARÊME C

20 mars 2022

    Nous avons écouté une histoire vraie, celle d’une belle rencontre entre Jésus et la femme de Samarie. Une histoire du passé qui aurait pu se perdre dans l’oubli. Or, saint Jean et la première Église ont voulu que toutes les générations de chrétiens la reçoivent, la méditent et en tirent profit. Parce que cette histoire est un peu, ou beaucoup, notre propre histoire. L’histoire de notre foi.

    Vous n’avez pas rencontré Jésus en direct ; moi non plus ! Certaines et certains d’entre vous n’ont pas vécu d’événements éblouissants qui les aient retournés comme la Samaritaine : ils ont accepté, avec plus ou moins de bonheur, l’éducation de la foi proposée par leurs parents et les temps forts de leur paroisse, dont le catéchisme et la messe dominicale. Ils ont été mis humblement sur le chemin du Christ. D'autres ont été bouleversés par un moment difficile ou joyeux, par la rencontre d’un chrétien, par une célébration, ce qui les a poussé à découvrir Jésus, son Évangile, à demander les sacrements, à participer à la vie de l’Église. Quel que soit le chemin de chacun, Jésus est toujours sur ce chemin, comme il l’a été sur le chemin de la Samaritaine.

    Que s’est-il donc passé ce fameux jour, au bord du puits ?

    Jésus est fatigué et s’assoit, pendant que ses amis sont partis acheter de quoi manger. Une femme de Samarie s’approche du puits pour prendre de l’eau. Tous deux sont épuisés. Les raisons sont différentes. Jésus est épuisé à faire connaître l’amour du Père à tous les hommes pour qu’ils en vivent. Certains lui disent oui avec joie. D'autres le repoussent et veulent sa disparition. Comme à notre époque ! La femme est épuisée d’avoir multiplié les aventures sentimentales sans connaître le vrai bonheur de vivre. C’est l’heure la plus chaude de la journée, celle où chacun reste tranquillement chez soi, sauf celui qui veut ne rencontrer personne. Jésus et la femme, épuisés, au bord du puits, en plein midi ! La fatigue et la soif qui les tenaillent n’ont pas pu les tenir enfermés. Deux fatigues et deux soifs qui vont se rencontrer comme il nous arrive de nous confier les uns aux autres. Comme ce à quoi nous invite le pape François, par le Synode, en échangeant nos inquiétudes comme nos attentes, pour l’Église d'aujourd'hui et de demain.

    Épuisés ! Comme nous pouvons l’être, à tous les âges de la vie. Épuisés, parce que fatigués de trop d’épreuves, de lourdes responsabilités, de trop de peurs ou de lassitudes. Épuisés parce que déçus de l’existence ou des autres, ayant fait des choix ou des expériences qui nous laissent amers, ou subjugués et dépendants par toutes sortes d’addictions plus ou moins toxiques. Épuisés que nous sommes à force de combler notre vide intérieur par n’importe quoi ! Que Jésus soit fatigué, voilà qui nous invite à un autre regard sur notre vie, sur notre humanité fragile, sur nos limites. Jésus vient à nous sous le signe de la fatigue et de la soif. C’est par la faiblesse et les blessures de nos vies, et non les murailles de nos certitudes, qu’il va ouvrir l’espace d’une rencontre, qu’il va éveiller la source et nous faire exister en vérité.

    « Donne-moi à boire » ose dire Jésus à la Samaritaine pour entrer en contact. En effet, une vieille querelle a fait que Juifs et Samaritains se haïssent et ne se parlent pas. Jésus n’a que faire des barrières. La femme est surprise et accepte la conversation. Jésus de lui dire : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : « Donne-moi à boire », c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné l’eau vive… Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. » Voilà que Jésus renverse tout. Jésus passe du puits à la source ! Il se présente comme le « Don de Dieu » qui offre l’eau vive, qui désaltère profondément et qui transforme celui qui l’accueille en source pour les autres ! La femme n’arrive pas encore à comprendre qui est celui qui lui parle, ce qu’il veut lui donner et susciter en elle. Elle en reste à l’eau du puits et à toutes les soifs qu’elle n’a pas pu étancher. Mais Jésus veut la sortir de ses ornières fatigantes. Il veut l’aider à abandonner la cruche de ses désirs trompeurs et lui donner le goût de l’amour véritable, de la source intarissable. Il ne cherche pas à la séduire mais à toucher son cœur parce que Jésus ne possède personne. Il veut créer une relation de confiance avec elle, sans aucune emprise. C’est le chemin de la foi qui s’ouvre devant elle. Parce que Jésus a soif de nouer avec elle, comme avec nous, une alliance de vie et d’amour. Jésus a soif de devenir le sourcier de notre vie, pas à pas, pour faire de nous des sources qui désaltèrent notre monde fatigué et épuisé. C’est tout le sens du baptême !

    Si nous sommes ensemble ce matin, c’est bien parce que nous avons soif de boire à la source de notre foi pour apaiser nos fatigues et ajuster nos désirs. En demandant le baptême et en s’y préparant, Lyam et Séléna, Alexis et Syriana, en équipe 12-15, Aurélie et Tatiana avec leurs accompagnateurs, ont été conduits par Jésus, d’étapes en étapes, comme la Samaritaine découvrira et s’attachera à Jésus progressivement, jusqu'à la source de l’amour et de la vie ; comme il nous conduit, de messe en messe, de rencontre en rencontre, de partage en partage. Le temps du Carême est un pèlerinage de 40 jours qui nous mène à la source vive de notre baptême pour purifier nos cœurs et nos intelligences, pour nous guérir de nos faiblesses et nous affermir dans le bien, pour renouveler notre attachement à Jésus et à notre famille-Église. Jésus s’assoit aujourd'hui à la margelle de notre vie et il demande à chacune et chacun : « Donne-moi à boire, j’ai soif de ton amour ». Et en retour, il se donne, source vive de l’Eucharistie, pour que nous irriguions les cœurs desséchés par trop d’égoïsme ou de détresse, pour que nous partagions, comme la Samaritaine, notre joie de croire !

Père Bertrand ROY