HUITIÈME DIMANCHE ORDINAIRE C

27 février 2022

 

    Au chapitre 42 du livre d'Isaïe, le Seigneur fait une belle promesse : « Je conduirai les aveugles sur un chemin qui leur est inconnu ; je les mènerai par des sentiers qu’ils ignorent. Je changerai, pour eux, les ténèbres en lumière et la pierraille en droites allées ».

 

    La cécité est un handicap souvent évoqué dans l'Écriture Sainte. Il s’agit de la cécité du cœur, de l’aveuglement spirituel, de ce qui fausse la réalité. Dans ce petit texte d’Isaïe, le Seigneur promet aux aveugles de n’être plus seuls dans la marche de leur vie, de les accompagner et même de les conduire là où ils ne sont jamais allés. Il va plus loin encore : « Je changerai pour eux, les ténèbres en lumière ».

 

    Changer les ténèbres en lumière ! Comment va-t-il s’y prendre ?

 

    Qui sont ces aveugles qu’il veut éclairer et guider ?

 

    Longtemps après Isaïe, Jésus parle à son tour des aveugles. C’est l’évangile de ce dimanche. D'une certaine manière, Jésus accomplit la prophétie d’Isaïe. Car c’est lui, la Lumière véritable, celui qui est capable de guider l’humanité et la sortir des ténèbres. C’est ce qu’il a cherché à accomplir dans toutes ses rencontres et ses prises de parole. Ici, avec humour et réalisme, sous la forme d’une petite parabole, il s’adresse à ses disciples, à ceux qui prendront sa suite, qui auront la mission d’avancer avec les autres sur le chemin de l'Évangile, d’animer l'Église.

 

    « Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? Ne vont-ils pas tomber tous les deux dans un trou ? »

 

    Jésus pose la condition première : si tu prétends conduire quelqu'un que tu considères comme un aveugle, comme ayant besoin de lumière, regarde d’abord en toi ce qui est obscur. Dans un langage plus trivial, on dirait : « Commence par balayer devant ta porte ! » Sinon, toi avec celui que tu veux accompagner, serez tous les deux dans la nuit, dans l’illusion et cela entraînera votre chute.

 

    La clairvoyance à laquelle nous sommes invités ne concerne pas d’abord notre regard sur les autres mais sur nous-mêmes. C’est cette connaissance lucide et humble de soi-même qui dissipe en nous les ténèbres et nous place dans la lumière. Il s’agit d’aller vers les autres, de faire du chemin avec eux, en commençant par reconnaître que nous portons nous-mêmes des imperfections, des blessures, des déviances comme peuvent en porter celles et ceux dont nous partageons le chemin. Ce travail intérieur de vérité a toujours des conséquences positives dans notre regard sur les autres, dans nos relations aux autres. C’est ainsi que, secrètement, le Seigneur change nos ténèbres en lumière.

 

    Entrer dans la lumière, ce n’est donc pas d’abord faire disparaître toutes nos imperfections, nos blessures, nos déviances. Ceci est impossible même s’il faut chercher à améliorer ce qui peut l’être. La première conversion qui nous sort de l’aveuglement, c’est l’acceptation de nos pauvretés, de nos limites, comme de nos meilleures qualités et compétences. Cette attitude de consentement à nous-mêmes ne doit pas nous figer dans une vision négative de nous-mêmes ni nous dispenser d’agir et d’aller vers les autres mais de nous laisser habiter et purifier par la miséricorde de Dieu. Dans le livre « Journal d’un curé de campagne », Georges Bernanos écrit : « Il est plus facile que l’on croit de se haïr. La grâce est de s’oublier. Mais si tout orgueil était mort en nous, la grâce des grâces serait de s’aimer humblement soi-même, comme n’importe lequel des membres souffrants de Jésus Christ. »

 

    L’évocation de la paille et de la poutre dans les yeux est une autre manière de nous aider à emprunter ce chemin d’humilité. Avoir une poutre dans notre œil, c’est ne pas être en capacité de voir grand-chose, c’est une myopie sélective. Assumer la poutre de notre œil, c’est devenir libre de tout reproche vis à vis des autres. On ne peut plus alors retourner contre les autres nos propres défauts, les accuser de nos insuffisances. « Enlève d’abord la poutre de ton œil, alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère. » Voilà, dit Jésus, ce qui forme de bons disciples et les prépare à marcher avec les autres.

 

    Jésus envoie aussi ce mot fort désagréable : « Hypocrite ! » Dans notre langage courant, traiter quelqu'un d’hypocrite, c’est affirmer qu’il est menteur, qu’il joue un double jeu. Or quand Jésus s’adresse à ses disciples, il s’adresse à des gens qui cherchent à être cohérents dans leur vie de foi. Dans l’Antiquité grecque, on désignait d’hypocrites, sans connotation morale, les acteurs de théâtre, parce qu’ils portaient un masque et, en jouant un rôle, entraient dans la peau d’un autre. En employant le mot « hypocrite », Jésus ne reproche pas aux autres de faire semblant mais de jouer un rôle au détriment de leur propre vérité. Jésus veut donc nous libérer des fausses identités, de nous fabriquer des personnages, ce qui empêche d’être dans une relation juste avec nous-mêmes, avec les autres, avec Dieu. L’évangile du mercredi des Cendres ne dira pas autre chose.

 

    Jésus achève son enseignement avec une autre parabole, celle des arbres et de leurs fruits. Le chemin de l’humilité qu’il nous propose est un effort de toute la vie avec une promesse de fécondité. Ce qui est rassurant. Aussi, comme l’a dit quelqu'un : « Un vieux pommier ne donne pas de vieilles pommes. » C’est pourquoi, quel que soit notre âge, nous sommes appelés à porter de bons fruits d'Évangile !

 

Père Bertrand ROY

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