VINGTIÈME DIMANCHE ORDINAIRE A

20 août 2023

 

    Nous poursuivons notre lecture de l’évangile de saint Matthieu. La semaine dernière, après un temps de prière dans la montagne, Jésus rejoint ses disciples embarqués sur la mer, affrontant une tempête en pleine nuit. Pierre se lance le défi de marcher sur l’eau mais, manquant de foi, se met à couler. Alors Jésus lui tend la main et le relève. Aujourd'hui, le paysage et les personnages ont changé. Jésus franchit une barrière : il se retire en territoires païens. Les païens ne sont pas des athées mais des gens qui ont une autre culture et d’autres convictions religieuses. Jésus franchit une barrière : va-t-il prendre de la distance avec les convenances du judaïsme en vigueur ? Mais en risquant de se mélanger à des gens différents, considérés comme des ennemis, ne va-t-il pas perdre sa tradition ?

 

    Ce qui devait arriver se produit : il se fait accoster par une Cananéenne. Saint Matthieu, qui a ouvert son évangile par la venue des mages auprès de Jésus, pour signifier que Dieu n’a pas de frontières et s’offre à tous, sans exclusive, va nous livrer quelques surprises ! Entrons, pas à pas, dans ce texte.

 

    La première surprise, c’est l’acte de foi de cette femme : « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ». Apparemment loin du judaïsme, elle s’adresse à Jésus avec les mots de cette tradition. Elle a donc entendu parler de Jésus et sans l’avoir rencontré, une grande confiance en lui est née. Elle aussi a franchi un seuil en lui parlant. Elle ose faire une demande de guérison pour sa fille à celui qu’elle a reconnu comme étant source de libération : « Ma fille est tourmentée par un démon ». Deuxième surprise, plutôt décevante : Jésus ne réagit pas devant cette maman en détresse et apparaît d’une dureté inhabituelle. Les disciples, qui n’aiment pas être dérangés, supplient Jésus de s’occuper d’elle pour en être débarrassés, comme lorsqu'on veut expédier quelqu'un venu troubler nos occupations. C’est alors que Jésus répond à ses disciples, suffisamment fort pour que la femme entende : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël ». Autrement dit, cette femme n’est pas de mon ressort. Souvenons-nous que lorsque Jésus avait fait un premier envoi en mission de ses disciples, il leur avait enjoint de ne pas aller vers les païens ni d’entrer dans les villes de Samaritains mais vers les brebis perdues d’Israël. Était-ce une forme de racisme ? À vrai dire, c’était plutôt une prudence pédagogique : avant de se risquer dans la proposition de la foi à des personnes étrangères au judaïsme, il s’agissait de rejoindre en priorité celles qui en avaient les racines mais les avaient négligées.

 

    Autre surprise. Tenace, la femme se prosterne devant Jésus avec un nouvel acte de foi qui exprime sa vénération. Sa demande ressemble à celle de l’apôtre Pierre en train de couler : « Seigneur, viens à mon secours ! » Nouvelle réponse déconcertante et sèche de Jésus, dans la même ligne que la précédente : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens ». À l’époque, on traitait les étrangers, les indésirables, de « petits chiens ». La femme entre ainsi dans cette catégorie.

 

    Et voici que le miracle s’accomplit : la Cananéenne retourne subtilement l’argument de Jésus. Comme si elle le battait sur son propre terrain : « Justement les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » Elle commence par lui donner raison en reconnaissant sa mission auprès du peuple élu. Elle assume la qualification peu glorieuse de « petits chiens » mais objecte, qu’elle et son peuple peuvent se contenter de quelques miettes de l’amour de Dieu pour être sauvés. N’est-ce pas Jésus qui, quelque temps auparavant, a nourri une grande foule et a demandé de ne rien perdre des restes du pain multiplié pour le porter aux absents ? La parole de la femme, sa justesse de vue et sa foi, viennent transpercer le cœur de Jésus au point de l’émerveiller : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! »

 

    Les disciples ont été témoins de cet épisode. Non seulement, par cette femme étrangère, Jésus a pris un tournant décisif dans sa mission, lui donnant une dimension définitivement universelle. Mais il a initié ceux qui prendraient son relais à cette ouverture à tous et pour tous les temps. Jésus est le Pain d’une table sans frontières. Sous cette rencontre ponctuée de silences, d’apparentes indifférences et de convenances rigides, à force d’étapes patientes, saint Matthieu a fait écho des difficultés des premières communautés chrétiennes issues du judaïsme à s’ouvrir à ceux qui, venant d’autres horizons, se convertissaient au Christ et demandaient à être, à part entière, membres de l’Église.

 

    Cet évangile nous est donné pour faire de nos communautés, de notre Église, non pas un groupe frileux et conservateur, mais toujours plus ouverts les uns aux autres, créant des liens nouveaux, inventant les chemins pour que personne ne se sente exclu dans sa recherche du Christ.

 

    Cet évangile nous dit aussi qu’il n’y a pas à se décourager si Jésus semble sourd à nos nombreuses attentes. Il connaît notre ténacité et nos combats. Il creuse notre confiance en lui pour que nous l’entendions nous murmurer au cœur, son émerveillement devant chacune et chacun de nous : « Grande est ta foi ! Que tout se passe pour toi comme tu le veux ! »

 

Bertrand ROY +

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