SEIZIÈME DIMANCHE ORDINAIRE C

17 juillet 2022

    La première lecture au livre de la Genèse et l’évangile de saint Luc ont en commun de nous parler de l’hospitalité.

    Dans sa règle, saint Benoît que nous avons fêté lundi dernier, consacre tout un chapitre à l’accueil des hôtes au monastère. Il écrit : « Tous les hôtes qui se présentent seront reçus comme le Christ » et « L’abbé versera l’eau sur les mains des hôtes et avec la communauté entière, il lavera les pieds de tous les hôtes. Après les avoir lavés, on dira le verset : Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde au milieu de ton temple. »

    La tradition monastique n’a rien fait que reprendre le merveilleux accueil d’Abraham aux trois visiteurs inconnus avec cette conviction forte que recevoir un passager, un étranger, un souffrant, c’est en quelle que sorte, recevoir Dieu lui-même. La parabole du bon Samaritain de dimanche dernier, qui précède la venue de Jésus chez Marthe et Marie à Béthanie, est une belle illustration de la parole de Jésus : « Ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’aurez fait ». Mais aussi : « Qui vous accueille, m’accueille, et qui m’accueille, accueille celui qui m’a envoyé ». Désormais, toute personne qui vient à nous, que l’on croise et que l’on rejoint, nous met de plain-pied avec Dieu, sans qu’elle perde pour autant sa valeur propre.

    Dans la première lecture et l’évangile, il y a comme deux temps. Abraham commence par accueillir ses hôtes avec empressement et respect, associant sa femme Sara et ses serviteurs à la préparation du repas, choisissant les mets les plus nobles. À l’image de Marthe qui met tout en œuvre pour bien recevoir Jésus. Dans ce premier temps, Abraham a voulu restaurer ses hôtes pour qu’ils puissent reprendre la route et aller plus loin. Dans un second temps, Abraham s’arrête, se tait et écoute ses hôtes. Les trois hommes devenus « le voyageur » lui annoncent une incroyable nouvelle : Abraham aura une descendance ; Sara va lui donner un fils. Abraham comprend alors que c’est Dieu qui l’a visité ! Renversement de situation : Abraham reçoit des forces neuves de ses visiteurs pour aller plus loin. Ce second temps est repérable dans l’évangile en la personne de Marie qui, assise aux pieds de Jésus, écoute sa parole. Jésus ne va pas se contenter de participer joyeusement au repas préparé mais il va aussi nourrir celles qui l’auront reçues.

    Contrairement à certains commentaires de cet évangile, saint Luc n’a jamais voulu opposer action et contemplation, engagement et prière. Celui qui accueille réellement le Christ dans sa vie ne pourra pas rester passif tandis que les autres se donneront du mal pour assurer la vie quotidienne. Quand Marie écoute la parole de Jésus, elle prend le risque, en assimilant cette parole, d’avoir à se lever, à se bouger pour les autres. La Parole de Dieu ne laisse jamais en repos. Saint Jacques l’a rappelé : « La foi sans les actes est morte ». Ce qui peut être reproché à Marthe, c’est, avec son agitation, la tentation de tout centrer sur elle, de se mettre en avant en se comparant à sa sœur et alors, d’oublier celui qui vient la visiter. S’il y a bien urgence à ne pas rester les bras croisés devant les actions à mener pour le service des autres, cet évangile nous rappelle aussi, ce que Marthe n’a peut-être pas saisi, c’est que sa vie ne se réduit pas à ses actions. La meilleure part, c’est l’autre, non pas d’abord pour ce qu’il fait mais pour ce qu’il est. En définitive, les deux sœurs sont complémentaires, comme les deux temps d’Abraham, et peuvent cohabiter en nous. Comme Marthe, laissons-nous animer par le désir de bien faire pour les autres : ils nous donnent le Christ ! Et, comme Marie, laissons-nous transformer par la Parole du Christ, apaisante et stimulante ; Parole qui débordera en amour. Marthe et Marie, pas l’une sans l’autre !

Père Bertrand ROY