VINGT NEUVIÈME DIMANCHE ORDINAIRE C

16 octobre 2022

    « En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples une parabole sur la nécessité pour eux de toujours prier sans se décourager ».

    Nous retrouvons cette invitation à la persévérance autant dans la lecture du livre de l’Exode, avec Moïse en haut de la colline, que dans la lettre de saint Paul à Timothée, au fond de sa prison.

    Au livre de l’Exode, le peuple de Dieu est attaqué par les Amalécites alors qu’il traverse le désert. Peuple migrant, proie facile : nous en savons quelque chose avec toutes les familles déplacées en raison de la guerre ! Moïse va allier la prière à l’action. Josué combat dans la plaine tandis que Moïse lève les mains vers Dieu sur la colline. L’un soutient l’autre. La fatigue et le découragement traversent l’un comme l’autre, car il n’est pas plus aisé d’agir que de prier. Quand l’un faiblit, l’autre tombe. Comme Josué a besoin d’une troupe pour combattre, Moïse aura besoin d’Aaron et d’Hour pour tenir ses mains lever vers Dieu.

    Ce texte souligne trois aspects importants de notre vie chrétienne.

    Certes, les temps ont changé : la Parole de Dieu ne nous demande pas de combattre les autres mais de combattre le mal, la souffrance, le mensonge, la haine, l’égoïsme qui peuvent nous malmener ou atteindre notre vivre-ensemble ; en résumé : combat pour la justice. Pour ce combat, le livre de l’Exode nous rappelle la nécessité de la prière. La prière comme un espace intérieur pour nous poser et nous laisser éclairer par le Seigneur, pour qu’il purifie et ajuste nos intentions à sa volonté, pour qu’il nous fortifie dans ce qu’il est bon de faire. Autrement dit, la prière nous met invisiblement en présence de Dieu pour accueillir et vivre de la lumière et de la force de son Esprit Saint.

    Le deuxième point que met en valeur le texte de l’Exode, c’est que si la prière nous fait du bien, elle ne doit pas être repliée sur nos seuls intérêts mais doit nous ouvrir aux autres. Moïse prie pour que Josué tienne dans sa mission. À la messe, nous ne prions pas que pour nous-mêmes. La prière universelle porte le monde et l’Église. Dans la prière eucharistique, le prêtre se fait la voix de l’assemblée qui prie le Père pour les vivants et pour les morts. Cette prière est prolongée par le « Notre Père », où tout est écrit en « nous », comme la majeure partie des prières de l’Eucharistie. Prier pour les autres, c’est les aimer devant Dieu, c’est leur vouloir du bien. Prier pour quelqu'un avec lequel il y a des difficultés, c’est refuser la résignation et chercher en Dieu un chemin de réconciliation. La prière élargit notre cœur à la dimension du monde comme le cœur de Dieu est lui-même un cœur universel. La prière en Église brise les frontières et favorise la communion fraternelle.

    Le troisième aspect du récit de l’Exode met l’accent sur la solidarité dans les combats de la vie croyante. Quand Moïse est épuisé de tendre ses mains vers Dieu pour soutenir l’action de Josué, Aaron et Hour viennent à la rescousse. On place une pierre pour que Moïse puisse s’asseoir et ses deux compagnons se mettent chacun d’un côté pour le soutenir et affermir ses bras et ses mains. Si notre prière soutient les autres, beaucoup d’autres nous soutiennent par leur prière. Nous en faisons souvent l’expérience. Quand la ferveur de notre vie chrétienne flanche, le témoignage fraternel des autres nous remet en route. Quand nous traversons toutes sortes d’épreuves, nous savoir portés par la prière d’une communauté, nous sort de l’isolement et nous stimule. Dès le soir de son élection, le pape François a demandé à ce que l’on prie pour qu’il tienne dans sa responsabilité de pasteur et qu’il l’assume dans la volonté de Dieu, au service de tous. Dans beaucoup de ses prises de parole, il demande que l’on prie pour lui. Belle image de la solidarité entre tous les membres du peuple de Dieu, quelque soit leur vocation, mais aussi du lien de la prière et de la vie quotidienne, de la contemplation et de l’action.

    Dans l’évangile, il est aussi question de la prière. Comme il aime souvent le faire dans les paraboles, Jésus, volontairement et avec beaucoup d’humour, prend pour point de départ des situations immorales et abracadabrantes, et ceci pour éviter tout fondamentalisme. Ici, c’est un juge injuste avec une veuve casse-pied ! Si un juge sans justice, alors même qu’il n’a pas un gramme de charité dans le cœur, cède aux demandes incessantes d’une pauvre veuve, combien plus, Dieu, qui est justice et bonté, entendra-t-il les supplications de son peuple ! Mais quelles supplications ? C’est la pauvre veuve qui l’indique : « Rends moi justice ! » Son entêtement n’a rien à voir avec celui des enfants qui se mettent à crier tant qu’on n’a pas cédé à leurs caprices, ou du chat qui miaule tant qu’on ne lui a pas ouvert la porte ! Il s’agit de l’entêtement pour la justice du Royaume de Dieu comme Jésus l’a pleinement accomplie.

    Qu’est-ce qui va nourrir la prière des assoiffés de justice que nous sommes ?

    La réponse nous vient de saint Paul : « Tu connais les Saintes Écritures : elles ont le pouvoir de te communiquer la sagesse, en vue du salut par la foi que nous avons en Jésus Christ. Toute l’Écriture est inspirée par Dieu : elle est utile pour enseigner, dénoncer le mal, redresser, éduquer dans la justice ; grâce à elle, l’homme de Dieu sera accompli, équipé pour faire toute sorte de bien ». Voilà la terre féconde dans laquelle enraciner notre vie chrétienne, le socle duquel nous n’avons rien à retrancher ou à ajouter, qui nous dit tout de Dieu, définitivement, et de notre chemin. La Parole de Dieu nous arme d’intelligence, de douceur et de patience pour témoigner de notre foi avec justesse. Elle garde nos yeux, nos bras et nos mains levés vers Dieu et ouverts à tout visage en quête de justice.

    Que cette semaine de prière pour la mission donne à chacun de nous et à toutes nos communautés d’Église, un élan généreux dans le partage de la foi et l’annonce de la Bonne Nouvelle à tous.

Bertrand ROY +